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A paper by me, on the Western world's present science ranking on the world stage. Published in June 2014 in a special "Le Monde & La Vie" booklet on the history of the West.
(David Cosandey: "L'Occident a toujours une longueur d'avance" dans L'histoire de l'Occident, déclin ou métamorphose?, Hors Série Le Monde/La Vie, Paris, édition papier, 25 juin 2014, 7e partie: "Est-ce la fin de l'Occident?", p. 147).

Safety copy of paper version: Sep 2014. Source. pdf doc (5,1Mb).
The Secret of Science

Cosandey



  
              
VII



                Sciences
                DAVID COSANDEY
                «L'Occident a toujours une longueur d'avance»

Biographie
Né en 1965, David Cosandey, essayiste suisse, est docteur en physique théorique de l'université de Berne.
Il travaille sur la modélisation mathématique financière. Son livre, Le Secret de l'Occident. Vers une théorie générale du progrès scientifique (Flammarion, 2007) explique le miracle technologique européen. Il s'est aussi intéressé au système des retraites, auquel il lie la dénatalité.
Dans le domaine scientifique, il n’y a, pour le moment, pas de déclin absolu de l’Occident, considéré dans son ensemble. Si l’on appelle « Occident » la civilisation européenne entière, seul l’Est, la Russie et ses anciens satellites, a connu un déclin scientifique absolu, depuis 1990. L’Europe de l’Ouest et l’Amérique du Nord, quant à elles, continuent de progresser. On peut cependant parler de déclin relatif. En effet, la prépondérance occidentale dans les sciences et les techniques, autrefois totale, se réduit peu à peu, du fait du rattrapage énergique de l’Extrême-Orient (Japon, Chine, Corée, Taïwan, Singapour, Inde…). Ce n’est donc pas la fin de l’Occident, mais ce sera sans aucun doute bientôt la fin d’un Occident – celui qui dominait sans partage la scène scientifique mondiale.
     En Occident, la connaissance avance encore et toujours, brillamment. Nouveaux télescopes géants, au sol et dans l’espace (découverte des trous noirs ultramassifs au centre des galaxies et leurs jets de plasma, aquavolcanisme des satellites de Jupiter et Saturne…), découverte du boson de Englert-Higgs, décryptage des génomes de nombreuses espèces vivantes, suivi des réactions chimiques au niveau atomique en temps réel, explications des anciens climats et des extinctions massives, modélisations des systèmes complexes (foules, trafic, marchés financiers, etc), fusion progressive de la neurologie et de la psychologie… parmi bien d’autres merveilles.
     Pour les très grands projets, c’est la rivalité entre les deux blocs nord-américain et ouest-européen qui reste le moteur principal. Pour les petits projets, comme la procréation assistée, c’est la diversité des législations, en particulier au sein de l’Europe de l’Ouest, qui sauve la donne, garantissant une grande liberté aux chercheurs. En outre, la richesse est encore suffisante, dans les pays majeurs, pour financer
des programmes très satisfaisants. La science avance, puisque les deux moteurs du progrès, sont réunis, à savoir l’essor économique et l’existence de plusieurs blocs stables rivaux.
     Si l’Occident mène encore la danse scientifique dans le monde, sa longueur d’avance se raccourcit. D’ores et déjà, ce sont les Japonais qui ont découvert, par exemple, comment les cellules ordinaires peuvent redevenir pluripotentes, et que les neutrinos ont une masse; tandis que les Chinois ont lancé les deux premières thérapies géniques au monde, prévoient un accélérateur de particules beaucoup plus
 

grand que le LHC du Cern à Genève, et ont lancé un très ambitieux programme spatial, avec le but à peine voilé d’établir les premières bases lunaires de l’Histoire. Connaissant les conditions du progrès scientifique, nous pouvons aisément lire dans le différentiel de croissance économique qui sépare désormais l’Occident de l’Extrême-Orient (sans parler des rivalités militaires plus fortes) la prédiction que l’Asie orientale va devenir, si la tendance se poursuit, le nouveau centre de la science mondiale.

L'Extrême-Orient bientôt en tête?
     Ce différentiel de croissance a plusieurs causes. Outre qu’il est plus laborieux d’ouvrir la voie que de rattraper un chemin défriché, l’Occident est victime, d’une part, de sa mauvaise politique économique, laissant filer des déficits commerciaux de plus en plus béants vis-à-vis des pays d’Asie, et lui abandonnant des pans entiers de son industrie. L’Occident, d’autre part, perd en vitalité à cause de sa dénatalité. Laquelle semble liée à une erreur, involontaire, dans les systèmes de retraites mis en place.
     Tous ces problèmes peuvent être résolus. Mais, si aucun redressement n’est décidé, alors les Occidentaux seront dépassés à terme par l’Extrême-Orient. Ils auront au moins une consolation: leur épopée sera devenue immortelle! Immensément prestigieuse, la civilisation européenne fera encore rêver dans des milliers d’années, comme la Grèce antique éblouit encore (en dépit des vicissitudes ultérieures: stagnation byzantine, occupation ottomane, dépressions économiques…). Les riches Indiens et Chinois du IVe millénaire s’extasieront et écriront sur la vie et la pensée de Képler, Legendre, Gauss, Euler, Newton, Leibnitz, Lavoisier, Pasteur, Planck, Poincaré, Dirac, Hubble, Borlaug… comme l’humanité s’inspire encore des philosophes et savants grecs, des millénaires plus tard…










Empire romain, chrétienté médiévale, grandes découvertes, Lumières, colonisation, révolution scientifique, guerre froide, valeurs universelles, mondialisation…
De l’Antiquité au XXIe siècle, le concept d’«Occident» renvoie à des réalités différentes. Récits en 188 pages de l’histoire de l’Occident, au gré des rencontres entre les peuples, des échanges et des emprunts, des débats et des conflits.
Un ouvrage de référence, riche de la contribution des meilleurs experts mondiaux, d’une iconographie et de cartes originales.

L’Occident: toute notre histoire
Depuis neuf ans, les atlas publiés par La Vie et Le Monde connaissent un succès constant. La collaboration des journalistes et des universitaires permet d’aborder dans leur globalité les principaux défis culturels et géopolitiques de notre temps. Ces hors-séries reposent sur un parti pris de lenteur assumée et de labeur patient : 12 mois de travail, soit une seule parution par an. Alors que le rythme de l’information s’accélère, un choix éditorial aussi radical peut surprendre. Si l’on veut mener à bien de tels projets, il nous semble une condition indispensable.

La même ambition sous-tend la création d’une nouvelle collection, consacrée à des thématiques majeures de notre histoire. Vous en tenez le premier exemplaire entre les mains. La passion des Français en la matière est connue. De nombreux amateurs la pratiquent par la lecture, le tourisme, la visite d’expositions ou l’entretien du patrimoine. Pour eux, mais aussi pour les étudiants et les enseignants, nous avons voulu apporter quelque chose de neuf. Dans ce nouveau titre, vous trouverez abordé de manière transversale, et toujours avec un grand souci de l’accessibilité, un enjeu fondamental et… actuel. Si nous sommes allés chercher la clé de l’Histoire, c’est pour ouvrir la porte du monde contemporain.

D’où vient et où va l’Occident ? Qui sont et où en sont les Occidentaux ? On nous dira peut-être que ces questions ne se posent pas, l’Occident étant un concept à la fois chargé d’idéologie et dépourvu de consistance ou d’homogénéité. La problématique traverse notre numéro. La ligne de partage des deux empires romains qui se dessine sous Dioclétien n’a pas grand-chose à voir avec les contours tracés par Charlemagne. Les « grandes découvertes » projettent l’Occident hors de lui-même, jusqu’à ce qu’il se confonde, peut-être, avec la quasi-totalité de la planète. Constitué en grand vis-à-vis, l’Orient ne correspond pas davantage à une civilisation unique. De Rome à Washington comme de Jérusalem à Pékin, l’Orient et l’Occident ne cessent d’avoir commerce commun, guerre commune, intelligence commune. Ils s’éprouvent comme autant de réalités mouvantes, liées par la répulsion et la fascination. Reformulons donc notre question, quitte à risquer le paradoxe : où est cet Occident qui n’existe pas ?

Il est ici et maintenant. Dans l’imaginaire comme sur le terrain. Alors que nous travaillions sur ce numéro, beaucoup de volcans que l’on pensait éteints se sont réveillés. Du Nigeria de Boko Haram au Proche-Orient de l’État islamique en Irak et au Levant, sans parler bien sûr d’al-Qaida, il faut désormais compter avec la haine armée d’un Occident perçu comme exploiteur et décadent. À l’est de l’Union européenne, la crise ukrainienne montre aussi que l’Occident tel que la guerre froide l’avait défini n’a pas complètement disparu. Notre Histoire de l’Occident est écrite en ce temps particulier. Temps de doute pour la France et pour l’Europe, temps de moins grande certitude pour une Amérique qui, en terme de revenus par habitant, d’innovation technologique ou de dépenses militaires, reste pourtant largement dominante. Finalement, l’Occident est-il en déclin ou en plein renouveau ? La Chine va-t-elle le supplanter ? Lisez ce qui suit : nous tentons de répondre.

Jean-Pierre Denis
Directeur de la rédaction de La Vie
Didier Pourquery
Rédacteur en chef « Développement éditorial » Le Monde
Date de parution : juin 2014.




Created: 28 Sep 2014 – Last modified: 04 Oct 2014